Patrick Mathé, fondateur de New Rose, a rejoint le paradis des punks et des rockers
Infatigable dénicheur de talents,
producteur génial d’artistes en devenir, distributeur énergique
d’autoproduits et sauveteur de gloires déchues, Patrick Mathé est devenu
au fil de sa carrière la légende au cigare vissé au coin du bec du
milieu du disque.
Doté de cages à miel promptes à aiguiser son flair, d’un culot sans
limites et d’un charisme évident, il a marqué la mémoire des passionnés
de musique tant par la qualité et la quantité des artistes figurant dans
ses catalogues que par son talent de conteur enrichi d’anecdotes aussi
acides que croustillantes.
Les prémices
Sur les bancs d’HEC, Patrick Mathé ne montre d’intérêt que pour le
vinyle... Il sort un mémoire sur « le marketing dans le disque » et se
fait embaucher à 23 ans par RCA comme... chef des ventes ! A son retour
du service militaire, la place est prise. On le pousse vers la porte
avec deux ans de salaire. Une aubaine pour celui qui ne s’imaginait pas
faire carrière dans les sentiers battus d’une major.
Il s’engage avec un ancien collègue dans la création de Sirène,
une petite chaîne de 4 magasins de disque qui bat rapidement de l’aile.
Patrick est salarié dans la boutique parisienne de la rue Saint Sulpice
qu’il rebaptise Music Box : import anglais, développement de la vente par correspondance et premiers pas dans la licence avec le label Flamingo
(R. Stevie Moore, Extraballe, The Count, C.O.M.A., Jah Woosh). Il
rencontre Claude Carrère avec lequel il signe un contrat de distribution
pour son petit catalogue proposé aux disquaires entre les opus de
Sheila et Linda de Suza. L’affaire n’est pas très florissante et Patrick
s’ennuie rapidement...
L’aventure New Rose
Louis
Thévenon lui propose de s’associer pour monter leur propre magasin,
avec un investissement d’à peine 70 000 francs et beaucoup d’huile de
coude. Ils baptisent l’entreprise New Rose, du nom du 1er single des Damned :
le ton est donné. L’artiste Philippe Huart assure la charte graphique
de la boutique - déclinée en noir et rose - des murs aux sacs
plastiques. Quand la boutique du 7 rue Pierre Sarrazin ouvre en mars
1980, les clients se bousculent au portillon.
Au bout de quelques mois - le virus « label » est résistant - les deux acolytes décident de frapper un grand coup en signant The Saints**. New Rose distribue sous licence Paralytic Tonight, Dublin Tomorrow : « dieu
merci, j’avais gardé mon listing du temps où je bossais chez RCA. J’ai
pris mon téléphone et en deux jours j’en ai vendu 6000 ! » Patrick se concentre depuis sur sa seule passion : sortir des disques !
« Mon
rêve, c’était de bosser avec des gens que j’avais admirés quand j’étais
gamin, et c’est pour ça que j’ai travaillé avec
Bo Diddley, Sky Saxon,
Roky Erikson…
Bon faut dire que même sans internet, trouver des groupes
c’était presque facile. Encore qu’Alex Chilton, par exemple, il m’a
fallu quatre ans pour le trouver et le signer… inimaginable de nos
jours ! »
Paul Roland & The Hellfire Club - Gary Gilmore's Eyes (The Adverts Cover)
From '' A Cabinet Of Curiosities ''
Label: New Rose Records – Rose 135 + New Rose Records
From '' A Cabinet Of Curiosities ''
Label: New Rose Records – Rose 135 + New Rose Records – FREE 12
Format: Vinyl, LP, Album + Vinyl, 7", 45 RPM, Limited Edition
Country: France
Released: 1987
Tracklist
A1 Madhouse
A2 Wyndam Hill
A3 Jumbee
A4 Gary Gilmore's Eyes (Words By, Music By – TV Smith)
B1 Burn
B2 Stranger Than Strange (Viola – Piers Mortimer)
B3 Walter The Occultist
B4 Demon In A Glass Case (Keyboards – Brian Gould)
C Green Glass Violin
D Berlin
Vocals, Guitar – Paul Roland
Violin – Maurice Memmott
Keyboards, Recorder, Percussion – Chris Randall
Cello – John Gallagher
Backing Vocals – Nick Nicely (tracks: A1, A2, A4)
Engineer – Andy Bell (tracks: A1 to B3), Chris Ashman (tracks: B4)
Arranged By [Strings] – Chris Randall
Producer – Paul Roland
Design
[Sleeve Design] – Huart/Cholley
Au
fil des ans, notre homme découvre et signe des groupes British et UK,
certains en mal de production locale, à l’instar de Calvin Russel auquel
il fournit non seulement des avances mais laisse les droits durant des
années. Il est d’ailleurs reconnu pour cela aux USA et même nommé
citoyen d’honneur de Memphis***.
« Un magasin, c’était la bonne formule : tu rentres de l’argent
tous les jours, ça fait tourner la machine. Le label, si tu arrives sans
un sou et que tu veux sortir un disque, t’es comme un con. Il se trouve
que moi, n’ayant pas une fortune personnelle, fallait que je fasse
entrer immédiatement de l’argent. Au départ quand on s’est lancé, l’idée
c’était de sortir quelques disques par an pour se faire plaisir. On
n’avait pas du tout prévu que le label allait prendre le dessus à ce
point là. »
Quand New Rose décide d’assurer sa propre distribution, il
loue un local et embauche. Se devant de proposer un catalogue digne de
ce nom, il y ajoute ceux d’une multitude d’autres labels français dont Sordide Sentimental (Joy Division), Invitation au suicide (Certain Général), La Horde (Gogol 1er), Gnougnaf mouvement puis Label étoile (Les Shériff) et une sélection tirée des fonds de catalogue EMI et Pathé.
Voila comment avec de très bonnes ventes en France et à l’étranger New Rose cartonne pendant 20 ans.
Le virage Last Call
La guerre du golf marque un tournant néfaste pour bon nombre d’entreprises. New Rose n'y échappe pas et, en 1992, Louis Thévenon conserve le magasin (qui ferme rapidement) et Patrick Mathé vend le catalogue New rose à FNAC Music en demeurant directeur général adjoint du label.
Un jour, Fabien Ouaki, le patron de Tati, vendeur à Music Box
au temps de sa jeunesse punk, envoie à Patrick un disque dont il a
financé l’enregistrement : Jean-Philippe Rykiel avec le lama tibétain
Lama Gyurme. « Il était convaincu que j’en voudrais pas, sauf que
moi, je m’emmerdais au bureau. Tout le monde s’est foutu de ma gueule
quand j’ai signé ça mais putain, on en a vendu près de 500 000 distribué
sous licence Sony ! »
FNAC MUSIC - qui passe successivement aux mains de la GMF puis d’une
filiale du Crédit Lyonnais - se ramasse lamentablement et décide de
liquider. « Ce qui entre nous a été la meilleure chose qui me soit
jamais arrivée puisque je leur ai racheté mon catalogue beaucoup moins
cher que ce que je leur avais vendu ! »
Voilà comment Patrick lance en 1994 Last Call****, son dernier
label, à partir du CD d'un lama... Il continue sans relâche l’aventure
avec Eliott Murphy, Calvin Russel, Chriss Bayley, ajoutant d’autres
artistes à son catalogue à l’instar de Bijou, Screamin’ Jay hawkins, Gary Lucas, The Silencers ou, s’ouvrant aux musiques du Monde, Soledad Bravo et Angel Parra.
« Les plus grosses ventes de ma vie, je les ai faites avec Last Call, où j’avais seulement deux employés », se souvient Patrick Mathé dans une longue interview donnée en 2016 à Jean-Rodolphe Zanzotto pour Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France et de ses partenaires.
Même s’il freine peu à peu ses activités à l’approche de la retraite, Patrick Mathé n’a jamais envisagé de fermer Last Call. Et de toute manière, pour tous les fêlés de musique, New Rose et Last Call sont partis pour survivre longtemps à leur fondateur dans toutes les discothèques des amoureux du punk et du rock !
*Patrick Mathé, quand il faisait venir en
France ses trouvailles américaines, n'hésitait pas à monter avec eux
sur scène jouer de l'harmonica.
**Le groupe australien, qui cartonne jusqu’alors en Grande Bretagne chez EMI, vient de se rendre coupable d’un 3e
album plus fin, intégrant des cuivres sur plusieurs titres. La maison
de disque les lâche et ils retournent en Australie. Seul Chris Bailey
demeure à Londres, faisant la manche dans le métro ! Patrick parvient à
le rencontrer et – après une nuit d’orgie – récupère 5 titres jamais
sortis.
*** Hommage de la ville de Menphis **** Cri des serveurs évoquant le dernier service avant fermeture dans les bars américains.
Quelques artistes signés New Rose et/ou Last Call
Artistes internationaux :
Elliott Murphy, Calvin Russell, Bo
Diddley, Johnny Thunders, The Saints, Bruce Joyner, Fleshtones, Dead
Kenndys, Black Flags, Gun Club, Les Damned, Pianosaurus, Jeffrey Lee
Pierce, Alex Chilton, The Replacements, Peter Holsapple, Tav Falco &
Panther Burns, Chris Spedding, The Inmates, Roky Erickson, Cocteau
Twins, Phill Gammage, The Cramps, Certain General, Joey Vain &
Scissors, The Corvairs, The Scarlet Dukes, TCMatic, The Wailers, Big
Brothers (groupe de Janis Joplin)
Artistes français :
La Souris Déglinguée, Dick Rivers,
Snipers, Rythmeurs, Calamités, Warum Joe, Camera Silens, Gilles Tandy,
les Soucoupes Violentes, Charles de Goal, Gogol 1er, Les Lolita, Taxi Girl, Marie et les Garçon, Asphalt Jungle...
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