3.17.2010

Perfect American Tongue Fetish, No Cheek - Me and Shawna G, No McGee

 

Tongue Fetish, No Cheek

 

 

http://www.nanarland.com/interview/garydanielsvo/City_Hunter_3.jpg

Me and Shawna G, No McGee

 

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L'édition VHS américaine de 1988.

Ce qu'il y a d'amusant avec le nanar musical, c'est de voir comment des films conçus à la base comme des tremplins pour jeunes vedettes en pleine ascension ont pu se transformer en véritables boulets, et comment d'autres, sensés parachever la notoriété de stars de la chanson déjà au sommet, n'auront réussi qu'à les faire lourdement chuter de leur piédestal, les contraignant à se remettre en selle avec embarras et humilité sous le regard consterné de leurs fans. Amusant surtout de constater combien - que la production fut frappée d'impécuniosité ou pétée de brouzoufs, qu'il se soit agit d'un opéra-rock, d'épanchements disco ou d'une bluette rap - le degré d'égarement fut peu ou prou le même au cours des trois ou quatre décennies écoulées. Ayant donc une pensée émue, au hasard des souvenirs épars et forcément subjectifs de votre serviteur, pour les Monkees (« Head »), les Bee-Gees (« Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band »), les Who (« Tommy »), Led Zeppelin (« The Song Remains the Same »), les Village People (« Can't Stop the Music »), les Ramones (« Rock'n' Roll High School »), Pia Zadora (« Voyage of the Rock Aliens »), Michael Jackson (« Moonwalker »), Prince (« Purple Rain »), Vanilla Ice (« Cool as Ice »), Mariah Carey (« Glitter ») ou les Spice Girls (« Spiceworld »). Sans oublier Kiss bien sûr, humiliés bien comme il faut dans ce « Kiss Contre les Fantômes » de piètre facture.


Une affiche colombienne.

Groupe de hard-rock fondé à New York en 1972, Kiss se distingue d'emblée des autres formations de l'époque par un maquillage outrancier et un sens du spectacle certain. La notoriété du groupe tiendra d'ailleurs beaucoup plus à son look et ses prestations scéniques hautes en couleurs qu'à la qualité très discutable de ses compositions. Kiss, c'est en fait et surtout une formidable machine commerciale.

Sous la houlette de Bill Aucoin, le manager artistique du groupe, sera rapidement créée une entreprise de produits dérivés, baptisée Niocua (Aucoin à l'envers !). Sacrifiant son intégrité artistique sur l'autel du mercantilisme, Kiss s'emploiera à plaire à un public toujours plus jeune et génèrera un merchandising lucratif, multipliant les babioles à l'effigie du groupe que la "Kiss Army" - comme aiment à s'autoproclamer leurs légions de fans - s'empressera d'acheter.


« Kiss Contre les Fantômes » s'inscrit évidemment dans cette vaste stratégie commerciale pensée par Bill Aucoin, qui s'était déjà traduite par la sortie un an auparavant d'un comic-book à la gloire de nos fringants chevelus. Coup de pub ultra payant : ces derniers avaient mélangé quelques gouttes de leur sang à l'encre rouge du premier numéro, qui restera la meilleure vente de Marvel pendant 10 ans ! Dans ces aventures sur support papier, les membres du groupe étaient élevés rien moins qu'au rang de super héros dotés de super pouvoirs, une idée reprise dans le film et qui nous donne le line-up suivant :

- Peter Criss, alias Cat Man, bénéficie d'une agilité hors normes et peut faire des bonds prodigieux. A part ça, il sait taper sur une batterie.

- Ace Frehley, alias Space Ace, peut se téléporter. Accessoirement, il peut gratter les cordes d'une guitare.

- Paul Stanley, alias Starchild, peut tirer des rayons laser avec son oeil droit, lui permettant notamment de contrôler l'esprit d'une personne et d'écouter des conversations à distance. Lui aussi sait tenir une guitare entre ses mains.

- Gene Simmons, alias The Demon, est doté d'une force surhumaine et peut cracher du feu. Il sait aussi jouer un peu de guitare basse en braillant dans un micro.

Techniquement, « Kiss Contre les Fantômes » est en fait un téléfilm, produit pour 2 ou 3 millions de dollars (une assez coquette somme pour l'époque) par la célèbre firme Hanna-Barbera et diffusé le 28 octobre 1978 sur la chaîne américaine NBC. Il connaîtra néanmoins une exploitation en salles en dehors des Etats-Unis (et sortira ainsi le 9 avril 1980 dans les cinémas français).

Telle la progéniture d'Adam et Eve, « Kiss Contre les Fantômes » aura été enfanté dans la plus grande douleur. Ainsi, selon les infos que l'on peut glaner sur le net, le tournage se serait déroulé dans l'urgence, bouclé en cinq semaines, avec des membres de KISS qui auraient été briefés à la va-vite sur la notion de jeu d'acteur et un scénario qui aurait connu de nombreux remaniements de dernière minute. En outre, c'est à cette époque que des tensions internes naissent au sein de la formation. Ace Frehley et Peter Criss supportent en effet de plus en plus mal l'opportunisme carriériste de Kiss ainsi que le leadership de Stanley et Simmons sur les compositions. Les deux musiciens connaissent par ailleurs des problèmes de drogue de plus en plus préoccupants. Très peu coopératifs, Ace Frehley se serait disputé à de nombreuses reprises avec le réalisateur (un jour où il a quitté le plateau furax, c'est sa doublure pour les cascades - un Noir maquillé et emperruqué ! - qui a dû tourner ses scènes) et Peter Criss aurait été défoncé au point de marmonner ses lignes de dialogue de façon incompréhensible, obligeant la production à embaucher l'acteur Michael Bell pour le doubler en post-production. Bref, pas les meilleures conditions du monde pour accoucher d'un film potable...


L'histoire en quelques mots : elle se déroule dans le parc d'attraction de Magic Mountain, où Kiss doit donner un gigantesque concert. Or, le technicien qui a conçu les attractions du parc, Abner Devereaux, est en fait un savant fou dont le passe-temps favori consiste à kidnapper les visiteurs pour en tirer des sortes de clones mécaniques dociles. Comme c'est une manie un peu onéreuse et que le parc ne fait guère recette, le propriétaire de Magic Mountain cesse de financer Devereaux, préférant employer l'argent qui lui reste à faire venir des groupes super bien comme Kiss pour renflouer les caisses. Abner Devereaux grince des dents, lui Kiss il aime pas ça. Lorsqu'il se fait virer suite à un accident dans le parc, Devereaux jure de se venger...




Le diabolique Abner Devereaux, qu’interprète l’acteur du petit écran Anthony Zerbe.


La propagande commerciale du groupe racole dès la maternelle : ici des mouflets participent à un concours de maquillages de Kiss, gratifiant le spectateur d'une belle scène de remplissage.


Là, c’est un bambin qui s’éclate en plein concert nocturne (il a eu la permission de minuit).

Voilà pour le scénario, basique au possible, maigre comme un petit animal au sortir d'un hiver long et rude mais encore à peu près exploitable. S'ils ne tirent pas l'ensemble vers le haut, les scénaristes ne sont en tout cas pas les premiers responsables du naufrage auquel on assiste. Car sur le banc des accusés, c'est en fait l'équipe du film tout entière qu'on retrouve. Mou du cul, formellement lacuneux, incohérent, « Kiss Contre les Fantômes » boude systématiquement toute forme d’intelligence. La ""mise en scène"" (notez le redoublement de guillemets), plate au possible, nous rappelle au bon souvenir des productions Eurociné et Kinavesa les plus éthérées. Et, point d'orgue sonnant magistralement faux, les hurluberlus de Kiss jouent abominablement maaaaal.






Que font les super-mecs de Kiss entre deux super-concerts ? Ils se posent en peignoir à cagoule autour de la piscine de leur hôtel, sur des chaises d’arbitres de tennis, histoire de faire prendre le soleil à leur maquillage.

Evidemment, certains pourront me dire "ouais mais c'est normal, à la base c'est des musiciens, pas des acteurs". Ce à quoi je répondrai : justement ! Pourquoi alors les avoir poussés sur le terrain casse-gueule de la bouffonnerie horrifique plutôt que de s'appuyer sur ce qu'ils savent a priori faire de mieux : la musique ? Pour commencer, les membres du groupe n'apparaissent qu'au bout d'une longue demi-heure, et ils ne doivent pas jouer plus de quatre ou cinq morceaux au total (le hit "I wanna rock'n roll all night", "Shout it out loud", une version acoustique de "Beth" gratouillée au bord de la piscine, une pseudo reprise de "Hotter than Hell" titrée "Rip and Destroy"...). Alors certes, musicalement on ne peut pas dire qu’ils aient apporté quoi que ce soit de neuf, si ce n’est distiller un soup’n roll braillard et insipide au possible (en fait quand on y pense, ils ne doivent leur succès qu’à un truc : leurs maquillages) mais au moins les fans auraient eu ce qu'ils voulaient.




Car après tout, en truffant de morceaux musicaux une intrigue quelconque, le film aurait pu s’en tenir à peu près là : quatre zozos peinturlurés comme des moutards un soir d’Halloween qui braillent un truc aussi inoffensif que « Wooo, aille ouana roquènerolle all naaaïte, and party everydaaay », perchés sur des godasses hyper-compensées façon drag-queens occultes. Mais non : Bill Aucoin voulait cibler les kids pour pérenniser la Kiss Army sur le long terme, les scénaristes voulaient un esprit comic-book, la firme productrice Hanna-Barbera voulait un côté cartoonesque, les gars de Kiss voulaient juste un truc "cool" et au final « Kiss Contre les Fantômes » s'avère être moins proche du film musical que du croisement bâtard entre un « Fantôme de l'Opéra » neurasthénique et un mauvais épisode de Scooby-Doo plombé par des dialogues d'une redoutable bêtise.

Tel un grognard sur les rives de la Bérézina, ce clinquant véhicule à la gloire de Kiss s'embourbe pesamment dans les marécages de la médiocrité filmique d'où il ne ressortira plus, condamné un temps à l'oubli délibéré puis à la fossilisation jusqu'à ce que d'apprentis géologues du 7ème Art viennent à l'exhumer de sa gangue de sédiments. Bien des années après avoir été dedans jusqu'au cou, nos rockers d'opérette n'ont pas oublié le contact froid et gluant de la glaise, ni le mauvais goût qu'elle laisse dans la bouche.

Ainsi, pendant des années, aucune des personnes travaillant pour le groupe ne fut autorisée à évoquer le film en leur présence. Et lorsque certains journalistes leur en rappellent l'existence, les gars de Kiss s'empressent de jouer la carte de l'auto-dérision mais dissimulent mal les symptômes du rire jaune. Lors de l'émission When Kiss Ruled the World diffusée sur VH1, Gene Simmons déclarait ainsi : "It's a classic movie... Classic movie if you're on drugs", comparant ailleurs « Kiss Contre les Fantômes » à « Plan 9 From Outer Space » en estimant que les deux films constitueraient un double-programme idéal pour les drive-in ; Ace Frehley commentait simplement : "It's the funniest shit I've ever seen" ; Paul Stanley expliquait "When we were asked to do Kiss Meets the Phantom, it was pretty much sold to us as Hard Day's Night [le film des Beatles] meets Star Wars... What it turned out to be was anything but that", évoquant en une autre occasion le sentiment de honte qui l'avait envahi lors d'une projection-test : "I was so low in my chair that I wanted to crawl out of the theater". Enfin, Peter Criss confessait lui aussi : "I was disgusted (...) My daughter just thinks it's the greatest movie she's ever seen. But it wasn't a great time for me (...) I can't see John Lennon getting beat up by Dracula and I can't see Mick Jagger wrestling with Frankenstein".


Les super-talismans qui donnent leurs super-pouvoirs à Kiss.

Des propos qui contrastent étonnamment avec ceux formulés à l'époque de la campagne de promotion accompagnant le film, où Gene Simmons déclarait sans honte : "I think more than anything, this movie is going to be first and foremost lots of fun, we hope, and also it's very accurate in the way we relate to each other" ; Paul Stanley en rajoutait dans la mauvaise foi ouvertement éhontée : "It's a wonderful, wonderful movie. Very deep" ; Ace Frehley ne dépareillait pas : "I enjoyed it. It was a very pleasurable experience for the most part. I just can't wait to see it all put together. I guess I'm as excited about it as all the fans" ; seul Peter Criss semblant faire preuve d'une certaine honnêteté : "I learned a lot from doing the movie, mainly that I don't want to do another one for a while".

Signalons tout de même, ne serait-ce que pour justifier pleinement la présence de ce film sur Nanarland, l'existence de quelques oasis de rires venant sauver du complet dépérissement le cinéphage traversant courageusement ces 90 mn de vide désertique. Outre le générique d'intro sympathiquement désuet, la première vraie source de rafraîchissement survient avec l'apparition de Kiss, déboulant sur scène dans une surprenante orgie de guitares miaulantes et d'effets spéciaux ratés à base de rayons laser qui font piou-piou. Une première démonstration des super-pouvoirs du groupe qui donne immanquablement envie d'en voir plus, et qu'illustre un premier extrait vidéo.


Le deuxième extrait qui accompagne cette chronique constitue à mon humble avis le clou du film : on y voit les pseudo-hardos de Kiss affronter une escouade de singes-garous albinos en combinaison argent envoyée par le diabolique Abner Devereaux. Au-delà du fait que nos fringants héros (ou leurs doublures) y pratiquent un kung-fu effroyablement pataud, c'est surtout le côté portnawak sous acide de cette séquence qui laisse le spectateur atterré : sur une musique résolument pouet-pouet made in Hanna-Barbera, c'est un affrontement digne d'une cour de récré auquel on assiste entre quatre gugusses maquillés comme pour un mardi-gras et une douzaine de figurants en costume de singe (?), ces derniers ponctuant de petits cris nasillards chacune de leurs attaques, attaques à base de sauts filmés au ralenti invariablement repoussées par les super-pouvoirs de Kiss dans des gerbes d'étincelles. A voir pour le croire.




Les séquences suivantes les verront affronter entre autres des automates de samouraïs, de momies, de Dracula ou de Frankenstein, pour un résultat chorégraphique tenant plus de molles empoignades entre clochards avinés que de combats super-héroïques à proprement parler.




Lorsque le méchant Devereaux parvient à emprisonner Kiss, il envoie des clones automates du groupe jouer le concert à leur place. Il s'agit de sortes de doubles maléfiques programmés par le savant pour chanter des paroles modifiées sensées pousser leurs fans à l'émeute. Lorsque les vrais Kiss parviennent à se libérer et débarquent sur scène par la voie des airs, on a droit à un affrontement Good Kiss Vs Evil Kiss du même tonneau que les escarmouches à base d'étincelles et de coups de pied au derrière vues précédemment, pour le plus grand bonheur de la foule qui croit assister à une mise en scène faisant partie intégrante du show.

Voilà, c'est à peu près tout. Ah si, il y a aussi le bassiste Gene Simmons qui tire la langue. C’est son truc à lui, son gimmick, sa touche perso, l’expression profonde de son individualité. Certains peignent des chefs-d’œuvre, d’autres sauvent des vies, lui il tire la langue. Il ne sait faire que ça mais il faut lui concéder qu’il le fait avec application. Et le public, tel un bambin qui ne se lasse jamais de jouer à coucou-caché, en redemande. Conscient que le client est roi, Gene passe donc les trois-quarts du métrage toute langue dehors (comme le soulignera très justement Labroche au cours de la projection : « à la fin il devait même plus s'en rendre compte… »), employant le reste de son temps à grogner et cracher des flammes.



Parce que c'est une véritable bête de scène, parce qu'il a ça dans le sang, Gene Simmons viendra encore tirer la langue de temps à autre sur les plateaux de tournage. On le verra ainsi dans le rôle du méchant face à Tom Selleck dans « Runnaway, l'évadé du futur », film de science fiction de Michael Crichton. Ou à l'affiche du film policier de Gary Sherman « Mort ou vif » (« Wanted: dead or alive ») dans le rôle d'un terroriste islamiste. On le remarquera en fait surtout dans l'inoubliable et squeelesque « Stargrove et Danja, agents exécutifs » (« Never Too Young To Die »), où il obtient haut la main son diplôme de cabotinage en méchant drag-queen.

Malgré tout, eut égard à ce qu’on était en droit d’espérer, force est de reconnaître que « Kiss Contre les Fantômes » s’apparente à une baudruche boursouflée vessant durant plus d’une heure trente comme une charogne baudelairienne. Disons qu'il s'agit surtout d'un nanar sur le concept, à l’instar d'autres gros ratages comme « Les Maîtres de l’Univers » ou « Street Fighter ».

Signalons qu'au début des années 80, un autre projet de film aurait été envisagé par Kiss avant d'être abandonné suite à de nombreux problèmes. Prévu pour être produit par Bob Ezrin (qui a été amené à remplacer Bill Aucoin), il se serait agit d'un ambitieux concept album + film dans la lignée du « The Wall » de Pink Floyd, mais sur une thématique à la Excalibur. On ne peut évidemment que regretter que le projet n'ait pas abouti...


Si ce second film n'a pas vu le jour, l'album lui est sorti : intitulé "Music from the elder", il reste l'un des albums les moins bien vendus du groupe.

Quoiqu'il en soit, munificente pépite nanarde aux reflets coruscants ou sombre brouet de navets, « Kiss Contre les Fantômes » s’avère en tout cas d’une irréfragable nullité, au point d'avoir réussi à navrer jusqu'aux fans les plus ultimes du groupe. Une nullité telle à vrai dire qu'elle permit au film d'accéder au rang d'oeuvre culte parmi les cinéphages avides et les adorateurs du mauvais goût, là où un film simplement un peu mauvais aurait vraisemblablement sombré dans les oubliettes de l'Histoire. Presqu'un mal pour un bien en somme.


Kiss en concert à Boston en 2004.

 

 

 

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